Oise, Thourotte : peur sur la ville

par **jsp13** Jeu 22 Juin 2006 - 12:42

Oise, Thourotte : peur sur la ville

Le 13 décembre 2006, au cours d’une manœuvre d’aiguillage, un wagon contenant 47 tonnes de butadiène, gaz hautement inflammable, a déraillé à hauteur de la commune de Thourotte. L’opération de relevage a nécessité d’importants moyens humains et matériels sur les lieux.

Texte > Nicolas Mougin, service communication / Sdis de l’Oise > Photos > Valérie Pruvot / Sdis de l’Oise
A 14 h 07, mardi 13 décembre 2005, le PC de la SNCF à Paris-Nord contacte le Centre de traitement de l’alerte (CTA) à Beauvais. Suite à une manipulation d’aiguillage au passage d’un convoi, un wagon transportant 47 tonnes de butadiène vient de dérailler. Ce wagon, resté debout, se trouve à une dizaine de centimètres des rails. Aucune fuite n’est détectée. Le butadiène, gaz hautement inflammable, pourrait toutefois s’avérer explosif au contact avec l’air.

Un officier du Sdis de l’Oise est aussitôt dépêché sur place, en reconnaissance. En parallèle, les autorités départementales sont alertées par le Sdis. Le préfet de l’Oise, M. Philippe Grégoire, prend la situation en main. Deux réunions interservices sont organisées. Plusieurs groupes de travail sont créés, dont un entre les sapeurs-pompiers et la Cellule d’aide aux situations d’urgence (CASU) de l’Ineris, afin de modéliser les meilleurs scénarios. La décision tombe. En l’absence d’urgence, il est décidé de procéder au relevage le dimanche 18 décembre. Dans cette attente, le site est surveillé par la SNCF.

Périmètre de sécurité
Cette opération à hauts risques demandera la mise en place d’un périmètre de sécurité d’environ 650 mètres autour du wagon. Afin d’éviter tout risque durant l’opération de relevage, 1 500 habitants des communes de Thourotte, Montmacq et Cambronne-lès-Ribecourt seront évacués.

8 heures, dimanche 18 décembre. Jour J. Le premier groupe des sapeurs-pompiers de l’Oise protège le wagon. Quatre lignes de 110 mm sont tirées sur plus de 600 mètres. Quatre lances canon sont installées à proximité du train. Quatre lances de type rideau d’eau sont également déployées.

A 9 heures, le PC de site départemental est installé au centre de Thourotte, bourgade qui a pris des allures de village fantôme. Une heure plus tard, le groupe de secours à personnes se met en place en gare de Thourotte. Parallèlement, le message d’alerte est diffusé pour que les derniers et rares habitants non informés quittent la zone. Pour que l’évacuation soit optimale, deux lignes de bus sont affrétées, conduisant les habitants qui le souhaitent vers une salle polyvalente. En troisième lieu, le centre de secours de Thourotte est déménagé, lui aussi vers une salle polyvalente, afin de pouvoir intervenir dans des conditions « normales ». Par ailleurs, les locaux de la mairie sont mis à contribution, se transformant en PC opérationnel. Tous les acteurs de l’opération s’y retrouvent à intervalles réguliers pour y dresser le bilan de l’opération. M. le préfet Philippe Grégoire est accompagné de son directeur de cabinet Frédéric Bouvier et du sous-préfet de Compiègne, Serge Gouteyron.

Le dispositif est prêt
A 11 heures, le groupe risques technologiques arrive en gare, avec deux véhicules. Se positionnent alors les groupes réserves incendie 1 et 2 sur la place de la mairie. Cette fois, le dispositif est prêt. Chacun connaît sa tâche. Le froid matinal n’altère pas la bonne humeur des 105 sapeurs-pompiers venus des seize centres de secours isariens. Pour ce dimanche à la campagne, 28 engins ont été mobilisés. 80 gendarmes assurent la bonne tenue du périmètre de protection. Un hélicoptère scrute les alentours du site. Dix agents de la SNCF sont aussi sur les lieux. Vingt agents de la préfecture et des services de l’Etat sont également à pied d’œuvre.

12 heures. A quelques mètres du wagon, une conférence de presse est organisée pour les dizaines de journalistes présents. Le préfet explique le déraillement et commente le plan de l’opération. Les caméras s’éteignent, les flashes cessent de crépiter, les journalistes regagnent le centre-ville. Le réseau électrique de la SNCF est coupé pour la durée des travaux.

A 12 h 30, la zone redevient inaccessible. Les sapeurs-pompiers restés sur place testent leurs rideaux d’eau, déployés aux quatre coins du wagon. Tout fonctionne. Les explosimètres, destinés à détecter toute fuite de butadiène, sont alors activés à proximité. Une surveillance toute particulière est aussi apportée à l’usine Saint-Gobain, située à quelques centaines de mètres, site comprenant un point chaud. Refroidir le four de cette installation aurait pris plus de trois semaines, avec de fortes conséquences pour l’économie locale.

A 13 heures, deux coussins pneumatiques, supportant chacun cinquante tonnes, sont placés sous le wagon par les agents SNCF. Une grue supporte l’ensemble, en cas de besoin. Si tout se passe bien, dans quarante-cinq minutes l’opération sera une réussite, bientôt reléguée au rang des souvenirs.

Vers 14 heures, le wagon s’élève de quelques centimètres. Il est remis sur rails. Les explosimètres sont restés muets, les rideaux d’eau n’ont pas été déclenchés. A 15 h 57, nouvelle explosimétrie négative. L’électricité est rétablie. Le train pourra repartir, en soirée, en direction de l’usine Rhodia située à quelques kilomètres.

A 16 heures, la sirène retentit. Les gendarmes lèvent les barrages. Les habitants peuvent rentrer chez eux. Tout risque est désormais écarté.

A 16 h 30, les journalistes attendent le bilan officiel. Aux côtés du colonel Gilles Grégoire, directeur du Sdis de l’Oise, le préfet remercie les sapeurs-pompiers de leur concours, de même que les gendarmes, les agents SNCF, le maire, M. Patrice Carvalho, et les habitants ayant fait preuve d’une excellente collaboration. La petite ville reprend alors ses habitudes, les rues s’animent de nouveau. Les habitants se pressent devant leur poste de télévision. Les informations régionales vont bientôt débuter. Dès 20 heures, place aux nationales. Il ne faut rien manquer. Chacun y verra sa commune, peut-être sa maison, un voisin évacué. Et un peu le wagon. Sur rails, prêt à repartir.

Eléments favorables:
Une excellente préparation. Mise en place du PC opérationnel sur les lieux. Conditions météorologiques favorables, vent faible, absence de précipitations.

Eléments défavorables:
Point chaud à proximité du site. Présence importante d’agents lors du relevage. Distance d’alimentation des quatre lignes de 110 mm (600 mètres).

Moyens engagés:
105 sapeurs-pompiers du Sdis de l’Oise : 16 officiers, 27 sous- officiers, 62 hommes du rang venus de 16 centres ; 28 engins dont deux véhicules risques technologiques ; 9 explosimètres, 2 lances canon ; 4 lances rideau d’eau.

Excellent exercice
D’un point de vue technique, cette opération a constitué un excellent exercice, certes grandeur réelle et sans filet, pour les 105 sapeurs-pompiers du Sdis de l’Oise. En termes humains, matériels, logistiques et de coordination, ce fut une réussite. Le préfet de l’Oise ne s’y est pas trompé dans son discours, rendant hommage au travail toujours périlleux des sapeurs-pompiers.